Le Centre d’excellence a pour mission de favoriser un réseau national de centres interdisciplinaires de gestion de la douleur à l’aide de la recherche et de stratégies fondées sur des faits probants pour améliorer les soins aux vétérans des Forces armées canadiennes (FAC) et à leurs familles. L’une des clés de la réussite de cette stratégie pancanadienne est de nous établir fermement comme une ressource éducative pour les sympathisants actuels et potentiels de façon à faciliter un sain échange de connaissances sur les dernières recherches sur la douleur chronique ou à faire entendre des voix importantes de la communauté canadienne des chercheurs dans le domaine de la douleur chronique.
La pandémie de COVID-19 a certainement changé la dynamique des événements en présentiel, mais le Centre d’excellence est résolu à offrir en permanence aux vétérans des FAC et à leurs familles ces occasions de s’informer sur les thérapies de gestion de la douleur qui peuvent leur être utiles dans la vie quotidienne. C’est la raison pour laquelle nous avons organisé la Série sur le bien-être des vétérans et de leurs familles : une approche de gestion de la douleur chronique centrée sur la personne et basée sur les données probantes. Ces symposiums réunissent des chercheurs renommés du Canada et des États-Unis qui parlent de l’évolution de la gestion de la douleur et des pratiques exemplaires actuelles en matière de soins interdisciplinaires basés sur les données probantes. Chaque présentateur ou présentatrice possède son propre bagage de connaissances, mais le thème récurrent de toute la série — et un thème auquel nous accordons une profonde importance — est l’idée de faire de la qualité de vie d’un vétéran et de sa famille une priorité au moyen d’une approche globale et multidisciplinaire qui aidera à orienter les programmes de gestion de la douleur chronique.
Voici un résumé de nos quatre symposiums :
Notre premier symposium virtuel, qui portait sur une approche de gestion de la douleur centrée sur les patients, a réuni deux chercheurs de la Veterans Health Administration, Friedhelm Sandbrink, M.D., et Benjamin Kligler, M.D., MSP. Ce symposium a également accueilli le Dr Jason Busse du Centre d’excellence qui a parlé de ses récents travaux sur l’efficacité du cannabis dans la gestion de la douleur chronique, qui seront publiés dans le British Medical Journal à l’hiver 2021.
Le Dr Sandbrink a commencé par la présentation de ce qu’on appelle le « modèle biopsychosocial de gestion de la douleur » qui insiste sur l’amélioration non seulement du fonctionnement des vétérans atteints de douleur chronique, mais aussi de leur qualité de vie en général. Ce modèle est efficace parce qu’il est guidé par des soins individualisés, centrés sur les patients de même que par une solide relation de confiance entre le patient et le médecin qui utilise une approche non pharmacologique comme le yoga, l’acupuncture, les blocs tronculaires. Cette approche est tout particulièrement importante parce que le Canada est, comme l’a expliqué le Dr Busse dans un blogue récent, le deuxième plus grand consommateur d’opioïdes par habitant au monde, ce qui a contribué à l’augmentation des taux d’abus, de dépendance et d’addiction. En évitant la prescription d’opioïdes pour traiter une blessure aiguë, ou à tout le moins en encourageant les cliniciens à limiter les prescriptions d’opioïdes à sept jours ou moins, nous pouvons nous orienter vers une approche plus durable et à long terme des soins de santé, fondée sur d’autres formes de traitement, au lieu de voir les opioïdes en premier recours.
Dans une suite à la présentation du Dr Sandbrink sur le « modèle biopsychosocial de gestion de la douleur », le Dr Kligler a décrit l’approche de la « santé globale » en matière de soins, utilisée pour appliquer le modèle biopsychosocial dans les programmes et les installations de traitement de la VA. Selon le Dr Kligler, la « santé globale » est une « approche en soins de santé qui permet aux personnes d’acquérir de l’autonomie et les outille pour qu’elles prennent leur santé en main et vivent pleinement leur vie ». L’idée centrale est de dépasser les soins axés sur la maladie pour passer à un modèle dans lequel les soins de santé contribuent également à promouvoir la santé et le bien-être des vétérans et de leurs familles. L’approche de la santé globale repose sur l’idée que le vétéran est au cœur du système de soins de santé et que le travail du médecin consiste à lui fournir des moyens d’agir, soit en l’encourageant à faire de son bien-être l’objectif principal, soit en facilitant les moyens par lesquels les vétérans peuvent développer leurs relations sociales et leur environnement, soit en favorisant une alimentation optimale et nutritive, entre autres.
Le deuxième symposium de notre série éducative a accueilli Chester « Trip » Buckenmaier III, M.D., colonel de l’Armée américaine à la retraite, directeur de programme et chercheur principal du Center for Integrative Pain Management (DVCIPM) de la Uniformed Services University (USU) du ministère de la Défense des États-Unis. Il a également accueilli la Dre Brenda Lau, fondatrice et directrice médicale de CHANGEpain, une clinique de gestion interdisciplinaire de la douleur de Vancouver, en Colombie-Britannique.
La présentation du Dr Buckenmaier a principalement porté sur l’examen de nouvelles stratégies de gestion de la douleur pour répondre aux besoins des membres du service militaire depuis les deux dernières décennies, en particulier pour faire place à une approche plus globale, multidisciplinaire et multimodale, et ce, afin de réduire le recours aux opioïdes pour traiter la douleur chronique chez les vétérans. Il a expliqué l’importance de passer à un modèle qui améliore la qualité de vie générale pour que les vétérans et leurs familles puissent progresser vers un avenir dans lequel ils pourront gérer leur douleur chronique et vivre une vie fonctionnelle.
Dans la deuxième présentation, la Dre Lau a expliqué qu’en raison de la pandémie de COVID-19, les cliniques de gestion de la douleur canadiennes, y compris CHANGEpain, ont fait l’essai de programmes de soins virtuels pour offrir des soins aux vétérans parce qu’il leur était de plus en plus difficile d’accéder aux soins. Elle a signalé qu’à certains égards, par exemple l’accessibilité pour les patients, l’ampleur du contenu et des données, l’engagement accru du personnel et le nombre élevé de patients joints, la transition vers les soins virtuels pendant cette période sans précédent s’est avérée positive et ces programmes pourraient servir à assurer des soins dans les endroits éloignés. La Dre Lau a également signalé quelques inconvénients à l’offre de programmes de soins virtuels, notamment les problèmes organisationnels des centres de gestion de la douleur, les obstacles à l’efficacité des soins en ligne et les moyens de surveiller et d’évaluer efficacement la réussite des programmes.
Notre troisième symposium a réuni la Dre Diane Flynn du ministère de la Défense des États-Unis, Mme Patricia Poulin, Ph. D., de l’Hôpital d’Ottawa, et Mme Regina Visca de l’Université McGill. Ce symposium a eu pour thème le modèle de soins par paliers, un programme personnalisé de gestion de la douleur fondé sur les besoins des patients et leurs réponses aux différents types de thérapies de gestion de la douleur.
Dans sa présentation, Mme Poulin, Ph. D., a expliqué que le cadre des soins par paliers comporte deux grands volets : le modèle progressif et le modèle stratifié/de jumelage. Le modèle des soins par paliers 2.0 est un mélange des deux volets : une méthode souple qui vise à répondre aux besoins du patient, dont les objectifs sont d’éliminer les temps d’attente, de veiller à ce tous les patients se sentent bienvenus, de fournir des traitements adaptables et flexibles, de donner le choix aux patients et d’autonomiser les personnes qui vivent avec la douleur chronique.
Mme Regina Visca a décrit la multidisciplinarité du modèle des soins par paliers selon cinq modalités de traitement : les médicaments, les soins de rétablissement, les interventions, les approches de santé comportementale, la santé complémentaire et intégrative.
Finalement, la Dre Flynn a comparé le modèle des soins par paliers aux multiples couches d’un oignon, la couche extérieure étant l’autogestion comme fondement de la gestion de la douleur, la couche suivante celle des soins de niveau primaire selon le concept du « medical home » (soins primaires centrés sur les patients), la couche suivante, celle des consultations secondaires et la dernière, celle des cliniques de gestion de la douleur.
Dans notre dernier symposium, les Drs Friedhelm Sandbrink et Benjamin Kligler de la Veterans Health Administration (VA) sont revenus décrire leurs constatations et les résultats initiaux du Projet sur la santé globale. Mme Eleni Hapidou, Ph. D., du Michael G. DeGroote Pain Clinic, a ensuite présenté les résultats de son étude publiée dans le Canadian Journal of Pain en août 2020.
Dr Kligler a rapporté que selon les vétérans qui ont eu recours aux services de santé globale, ils avaient davantage participé à leurs soins de santé, avaient mieux pris soin d’eux-mêmes et ressenti moins de stress, ce qui montre que leur bien-être général s’est amélioré. Le Dr Kligler a constaté que les vétérans qui ont pleinement participé au projet sur la santé globale avaient eu recours trois fois et demie moins aux opioïdes que ceux qui n’y avaient pas participé. Le Dr Sandbrink, pour sa part, a observé au fil des ans une association évidente entre l’augmentation de l’utilisation de traitements non pharmacologiques et le début par le patient d’une thérapie à long terme de remplacement des opioïdes l’année suivante.
Mme Hapidou a communiqué les résultats de son étude dans laquelle elle a conclu qu’il existe de nombreuses preuves de l’efficacité des programmes interdisciplinaires de gestion de la douleur relativement à la douleur chronique; elle a également indiqué que les facettes particulières de l’expérience de la douleur chez les vétérans ont aidé les cliniciens à offrir des approches de gestion de la douleur mieux avisées.
Nous tenons à remercier tous les présentateurs et leurs organisations respectives d’avoir accepté de participer à nos deux premières parties de la Série sur le bien-être des vétérans et de leurs familles. Il est indispensable de s’adapter au monde dans lequel nous vivons actuellement et qui nous amène à recourir aux plateformes virtuelles pour demeurer en contact avec nos sympathisants. La possibilité de communiquer certaines des ressources éducatives et des connaissances d’éminents chercheurs sur les conséquences de la douleur chronique sur les vétérans et leurs familles renforce pour nous la raison d’être du Centre d’excellence sur la douleur chronique.