Quand des patients et des collègues me posent des questions sur les origines du Centre d’excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens (« le Centre d’excellence »), je commence par leur raconter l’histoire de l’un de mes premiers patients à la clinique antidouleur Michael G. DeGroote.

Ce patient était un vétéran et quand je lui ai demandé quand il avait commencé à travailler pour le ministère de la Défense nationale (MDN). Il m’a rapidement corrigé et répondu qu’il n’avait jamais travaillé pour le MDN, il avait servi. C’est plus qu’un simple choix de mots pour décrire sa carrière, ce n’est pas un emploi, mais un service; l’idée de servir son pays est un état d’esprit profondément ancré chez chaque vétéran. Lorsque nos militaires, hommes ou femmes, sont retirés du service en raison d’une blessure nécessitant des soins médicaux, ils ne font pas que perdre la structure quotidienne et leur vie avec leur famille militaire, ils perdent également un sentiment d’identité parce qu’ils ne peuvent plus servir.

Je travaille avec le ministère de la Défense nationale depuis 1994 et je traite la douleur chronique à la clinique antidouleur Michael G. DeGroote depuis 2012, mais traiter des vétérans atteints de douleur chronique m’a ouvert les yeux sur le service et les sacrifices que font les militaires pour que tous les Canadiens ordinaires comme moi puissent vivre en paix et en sécurité.

J’ai la chance de faire partie d’une communauté de cliniciens et de chercheurs spécialisés en douleur chronique au Hamilton Health Sciences et dans plusieurs organisations dirigées par l’Université McMaster, dont la clinique antidouleur Michael G. DeGroote, le Michael G. DeGroote Institute for Pain Research and Care, le National Pain Centre et le Centre for Medicinal Cannabis Research. La clinique antidouleur Michael G. DeGroote collabore avec Anciens combattants Canada (ACC) pour le traitement des vétérans atteints de douleur chronique depuis plus de 30 ans. Notre recherche sur la douleur chronique et la prestation des soins suit le « modèle biopsychosocial » selon lequel la douleur est en interaction dynamique avec des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux uniques à chaque personne. Ce modèle interdisciplinaire est utilisé auprès de civils atteints de douleur clinique depuis les années 1970 et les chercheurs et praticiens acceptent largement ces traitements holistiques de la douleur chronique.

Le modèle biopsychosocial a ceci de nouveau qu’il s’avère particulièrement efficace dans le traitement des vétérans atteints de douleur chronique en raison de la nature du service militaire et de son impact sur le corps et l’esprit.

Nos équipes ont appris en traitant des vétérans atteints de douleur chronique que même si chaque cas est unique, ils ont en commun d’avoir, en grand nombre, perdu espoir. Ils se sentent isolés de leur famille militaire, perdus dans leurs propres corps et abandonnés par le système.  

Nous avons toutefois constaté que l’application du modèle biopsychosocial à la gestion de la douleur chronique avait été la plus efficace chez les vétérans. Comme l’a bien expliqué la psychologue clinique de la Clinique antidouleur, Eleni Hapidou, plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces réussites : les vétérans ont tendance à persévérer malgré la douleur, ce qui peut exacerber des blessures physiques, mais signifier aussi qu’ils n’abandonnent pas les traitements; ils s’épanouissent lorsqu’ils disposent d’un système de soutien, mais ils vivent souvent une transition psychosociale difficile entre le service militaire actif et la vie civile lorsqu’ils sont libérés pour des raisons médicales; finalement, le réseau de soutien des pairs vétérans est tissé serré, ce qui signifie que les vétérans sont susceptibles de communiquer à d’autres vétérans de la collectivité les pratiques exemplaires et les recommandations qui leur sont bénéfiques.  

Grâce à notre bagage exceptionnel de capacités en recherche sur la douleur chronique et de l’expérience du traitement des vétérans, acquise par l’entremise d’ACC, nous avons collaboré avec ACC à amplifier nos apprentissages et nos connaissances pratiques et nous avons créé le Centre d’excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens. Nous mènerons au Centre d’excellence des recherches sur la douleur chronique chez les vétérans à l’échelle nationale.  

Depuis le tout premier patient vétéran qui m’a parlé de service, je commence chaque nouveau traitement en remerciant le vétéran de son service. Maintenant, grâce au Centre d’excellence, nous pouvons servir ceux qui nous ont servi.

Le Centre d’excellence sur la douleur chronique est financé par le gouvernement du Canada.

À propos de l’auteur : Dr Ramesh Zacharias est président, chef de la direction et directeur médical du Centre d’excellence sur la douleur chronique pour les vétérans canadiens. Il travaille en collaboration avec le ministère de la Défense nationale depuis 1994 et traite des vétérans depuis 2012 à la clinique antidouleur Michael G. DeGroote de l’Université McMaster.

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